Nintendo devient boulimique

Publié le par Laurent Checola

Analyse

Après avoir soigné les esprits sclérosés sur DS, Nintendo entend, avec la Wii, sculpter les corps. Fort du succès de sa Cérébrale Académie, vendue à plusieurs millions d'exemplaires dans le monde, le développeur nippon a annoncé le développement d'un programme de régime sur Wii. Transformant la console next generation en votre pire cauchemar, c'est-à-dire, en erzatzt d'épisode de téléréalité sur M6.


L'objectif du créateur de Mario, célèbre pour son embonpoint, est bel et bien d'accéder à des cibles plus larges, dont le potentiel a explosé sur DS. Plus âgées, et moins portées par le jeu, que par le ludique, les nouvelles recrues ont une vision non plus distrayante du jeu vidéo, mais pragmatique.


En cédant aussi vite aux sirenes commerciales, Nintendo brise, avec une boulimie qu'on ne lui connaissait guère, son pacte ludique. Depuis l'annonce du développement de la wii, la console était présentée comme un « retour au jeu », dont se félicitaient les experts. La « console-jouet », dont la manette était l'exemple le plus symptômatique, allait renouveler la dimension primale et enfantine du corps en acte, le « ludus ». Sony ou Microsoft, adptes du jeu « adulte », c'est-à-dire soucieux des bénéfices de leur entreprise, allaient contribuer à dénaturer le jeu.


Mais c'est bien Nintendo, qui commet le parricide vidéoludique. Il est indéniable que le jeu, de manière générale, est en expansion et s'arroge tous les médias. Pour Stéphane Natkin, le directeur de l'ENJMIN, le jeu est bien un entre-deux, entre flux télévisiuel et esthétique cinématographique. Avec Electroplancton sur Nintendo DS, la firme nippone a montré que le jeu vidéo pouvait atteindre l'art. Avec ce programme diététique annoncé, Nintendo s'arroge, par le bas, la pensée pratique, au détriment de la pensée loisir. Pour parler comme Kant, Nintendo dépouille le jeu vidéo de sa finalité sans fin. Aliénation du jeu par lui-même, mise en scène de sa propre mort...Certes, la part de ces jeux pratiques est encore faible, mais en augmentation constante, adoubée par les critiques.


Le problème peut être considéré d'un point de vue cosmopolitique : cette avancée du jeu sur le « ludique » est peut être une réelle victoire. Un signe que le jeu vidéo est entrain de s'imposer comme modèle. C'est finalement en devenant son autre que le jeu devient pleinement lui-même. Ainsi, une wii ne vaut rien, mais rien ne vaut une wii.

Publié dans Modes

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